Le barème de capitalisation des rentes des victimes de la Gazette du Palais 2020 a été publié le 15 septembre 2020.
Son taux d’actualisation est fixé à 0% avec une variante à 0,3% et est établi selon les tables de mortalité INSEE les plus récentes de la population générale, soit celles de 2014-2016.
Quid de son application ?
A la lecture des décisions jurisprudentielles rendues depuis sa publication, force est de constater que les tribunaux privilégient le barème de capitalisation 2020 de la Gazette du Palais (lorsqu’il est demandé !), puisqu’il repose sur des données financières et démographiques nettement plus récentes que celles des barèmes de capitalisation proposés par les compagnies d’assurance, l’ONIAM, le FIVA etc.
Barème de capitalisation 2020 Gazette du Palais vs Barème de capitalisation 2017-2018 BCRIV
« Par ailleurs, le barème de capitalisation utilisé par la cour sera celui publié par la Gazette du Palais de 2020. Le choix du barème de capitalisation relève du pouvoir souverain des juges du fond et il est de pratique constante de la cour d’appel de Nîmes de se référer au barème de la gazette du palais 2020 qui repose sur la table reflétant la mortalité la plus récente de la population générale, sur un taux d’actualisation dont le calcul est basé sur la valeur moyenne du TEC 10 et la prise en compte de l’inflation générale. Il combine en effet deux paramètres que sont l’espérance de vie et le taux d’intérêt, et neutralise ainsi les intérêts de placement que produira le capital afin d’éviter un enrichissement de la victime et actualise la valeur monétaire.
C’est vainement que la société Pacifica soulève l’irrecevabilité de la demande tendant à l’application de ce barème au moyen tiré de ce que Y… n’avait pas contesté l’application du barème BCRIV 2017 devant le premier juge alors que la demande d’application d’un autre barème ne constitue pas une prétention nouvelle mais un moyen nouveau recevable en cause d’appel et qu’une demande de dommages-intérêts majorée en cause d’appel ne constitue pas une prétention nouvelle. »
« Y… est ainsi fondé à réclamer de ce chef une somme réévaluée à 122.307,59 € sur la base de la perte de gains professionnels de 17.701,80 € par an actualisée en euro 2020 à 19.889,60 € depuis le 30 juillet 2013 jusqu’à la date de liquidation au 30 juillet 2021 ( soit 19.889,60 x 8 = 159 116,68 € ) et capitalisée ensuite pour un homme de 50 ans jusqu’à 62 ans, âge de la retraite, en fonction du barème Gazette du Palais 2020 (19.889,60 € x 11,560 = 229. 923,78€), barème adopté à juste titre par le tribunal de préférence au barème BCRIV réclamé par les appelants, soit un total de 389.040,46 €, dont sont déduites les sommes versées par la CPAM et l’organisme mutualiste IRP Auto soit 266.732,87 €. »
« A…sollicite que son préjudice économique futur soit indemnisé sous forme d’un capital calculé sur la base de la table de capitalisation publiée par la Gazette du palais en 2020, ce qui conduit à retenir un coefficient de 14,381.
Le FIVA entend voir dire que le préjudice économique de Mme Y… doit être calculé en fonction de l’espérance de vie de son défunt époux à la date de son décès, qu’il convient d’appliquer la table de mortalité 2008’2010 de l’INSEE établie sur des projections arrêtées au 31 décembre 2011 en vue de la détermination de l’espérance de vie de la victime (…) ;
A titre subsidiaire, il invoque l’application de sa propre table de capitalisation qu’il estime plus pertinente économiquement et plus favorable à la victime.
Il appartient au juge de faire, dans l’exercice de son pouvoir souverain, application du barème de capitalisation le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à recueillir préalablement les observations des parties sur cette méthode de calcul.
En conséquence, il sera fait application du barème de capitalisation publié à la Gazette du palais en 2020, celui-ci étant le plus à même d’assurer la réparation intégrale du préjudice économique futur de la veuve lequel correspond au préjudice éprouvé par celle-ci au jour du décès de son mari du fait de l’inhalation de poussière d’amiante jusqu’à l’âge de la mort naturelle de ce dernier selon les tables de mortalité utilisées pour établir ce barème. »
« Il [Le FIVA] a proposé la réparation du préjudice économique selon sa propre table de capitalisation, construite à partir d’une table de mortalité fondée sur des projections pour 2012 établies par l’INSEE dans la table 2007-2060 et d’un taux d’intérêt de 1,29 % , laquelle présentait l’avantage d’anticiper une amélioration globale de l’espérance de vie et s’avérait donc la plus favorable aux victimes (…)
S’agissant des arrérages à échoir, il appartient au juge, tenu d’assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, de faire, dans l’exercice de son pouvoir souverain, application du barème de capitalisation le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation.
En conséquence, en faisant application de la table de capitalisation de 2020 publié à la Gazette du palais en septembre 2020, conformément à la demande de X…, il convient de retenir, X… étant âgé de 79 ans au 28 mai 2021, que le prix de l’euro de rente viager dans la table de capitalisation 2020 de la Gazette du palais est de 9 pour un homme âgé de 79 ans et que le montant de la rente annuelle s’élève à 11 458 euros pour un taux d’incapacité de 70%, étant rappelé que ce dernier point n’est pas contesté par les parties ».
« Sur le barème de capitalisation :
Attendu que le tribunal a fait application du barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais en 2018 ;
Que l’appelante demande qu’il soit fait application du barème actualisé en septembre 2020, qui a été établi sur la base de la nouvelle table de mortalité définitive de l’INSEE 2014-2016 France entière, qui a remplacé les anciennes tables 2010-2012 sur lesquelles le barème 2018 était fondé ;
Qu’elle ajoute que le taux d’actualisation fixé à 0 % tient compte du rendement des actifs dans lesquels la victime pourrait investir le capital qu’elle recevra et de l’inflation prévisible des dépenses auxquelles elle se trouve exposée ;
Qu’elle considère que le barème actualisé en 2018 dont l’ONIAM sollicite l’application est établi sur des données dépassées, le taux d’intérêt appliqué étant de 1,29 % ce qui est totalement éloigné de la réalité économique actuelle ;
Attendu que l’ONIAM conclut à l’application de son référentiel indicatif d’indemnisation revalorisé au 1er janvier 2018, modifié pour tenir compte de la nomenclature Dintilhac et établi à partir de l’analyse des données portant sur les montants d’indemnisation prononcées dans un cadre juridictionnel ou amiable et extraits d’un panel de plusieurs centaines de dossiers, ce qui rend son application particulièrement légitime dans le cadre d’une indemnisation par la solidarité nationale ;
Attendu qu’il sera fait application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2020, cette table de capitalisation présentant l’avantage d’être fondée sur une espérance de vie actualisée (tables 2014-2016) et un taux d’actualisation, dont le calcul est basé sur la valeur moyenne du TEC’10 et la prise en compte de l’inflation générale des prix, fixé à’0’%, avec une variante à’0,3’%, ce qui permet de protéger la victime contre les effets de l’érosion monétaire et répond en conséquence à l’exigence de réparation intégrale. »
« Dans leurs conclusions, les parties s’opposent sur le choix du barème de capitalisation, X sollicitant l’application du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais le 15 septembre 2020 avec un taux d’actualisation de 0%, alors que la société GENERALI sollicite l’application du barème de capitalisation de référence pour l’indemnisation des victimes (BCRIV) publié en 2017 et élaboré par des actuaires certifiés de sociétés d’assurance.
En l’état de ces contestations, il y a lieu, pour capitaliser les pertes de gains professionnels à échoir à compter du 28 décembre 2020, de faire application du barème de capitalisation de la gazette du palais 2020 qui est le plus adapté pour assurer la réparation intégrale de ce préjudice pour le futur, en ce qu’il prend en compte les tables de mortalité de l’INSEE 2014-2016, plus récentes que celles utilisées pour le BCRIV en ce qu’il intègre l’inflation.
Le barème retenu proposant 2 versions, l’une retenant un taux d’actualisation de référence à 0,0% et l’autre une variante à 0,3 % lorsque le contexte de placement le permet, il convient de retenir, compte tenu du contexte économique, la version retenant un taux d’actualisation de 0% conformément à la demande de X. »
« Les Z demandent l’application du barème de capitalisation publié le 15 septembre 2020 par la Gazette du Palais et fondé sur un taux d’intérêt de 0%.
La société de chasse La Diane et la compagnie GROUPAMA demandent que soit retenue la seconde version du barème de capitalisation susdit, fondée sur un taux d’intérêt de 0,30%.
Le premier barème repose sur le rendement nominal d’un portefeuille sécurisé d’actifs de marché, analogue aux placements que font les mutuelles d’assurance portant des engagements de moyen terme. Un taux d’actualisation nul peut ainsi être considéré comme une valeur raisonnable et prudente. Le second barème repose sur les rendements moyens des portefeuilles d’assurance vie. La valeur de 0,3% ne peut être retenue que lorsque le contexte de placement le permet.
Le premier barème est ainsi le plus adapté à l’espèce où l’indemnisation du préjudice subi par une victime âgée de 23 ans à la date du présent arrêt doit être évalué à long terme, ce qui correspond à l’exigence de réparation intégrale du préjudice. »
Si dans le cadre de pourparlers transactionnels, de nombreuses compagnies d’assurance refusent de transiger sur l’application du barème 2020 de la Gazette du Palais, force est de constater que la jurisprudence n’est pas de cet avis.
Suivant la tendance jurisprudentielle susvisée, les Avocats de victimes n’ont aucun intérêt à transiger sur l’application d’un barème de capitalisation autre que celui de la Gazette du Palais 2020.
Toutefois, il semblerait qu’une nouvelle version du BCRIV soit sur le point d’être publiée. D’après certains inspecteurs corporels, cette version serait un « mixte » entre les données du barème 2020 de la Gazette du Palais et celles du précédent BCRIV 2018.
Si tel est le cas, est-ce que les tribunaux continueront à privilégier le barème 2020 de la Gazette du Palais ?
Wait and see.
Maître Aurore ROUSSEL
Avocat en dommage corporel et droit médical à NANTES
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© Aurore Roussel, Avocat accident de la route & accident médical
Indemnisation du dommage corporel