Aux termes de cet arrêt, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a exclu l’indemnisation intégrale des PGPF de la victime au motif que cette dernière ne rapporte pas la preuve qu’elle est privée à l’avenir d’exercer une activité professionnelle.
Arrêt isolé ou jurisprudence constante ? Toutes les Chambres de la Cour de Cassation adoptent-elles cette position ?
Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, arrêt du 21 décembre 2023, n°22-17.891
Photo: DXR (CC BY-SA 4.0)
Monsieur Y, âgé de 30 ans, a été victime en 2015 d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de GMF. Ce dernier a présenté une fracture de L1.
Lors de la survenue de l’accident, Monsieur Y exerçait la profession d’ouvrier-charpentier.
En 2016, la médecine du travail a préconisé un reclassement sur un poste « sans port de charges lourdes ni risque de chutes de hauteur ».
La victime a été licenciée pour inaptitude et n’a pas retrouvé d’activité professionnelle.
Un rapport d’expertise judiciaire a été rendu en 2017 aux termes duquel le déficit fonctionnel permanent de la victime a été évalué à 12%.
L’Expert Judiciaire a conclu que le licenciement est imputable à la fracture causée par l’accident et que ce sont bien les douleurs lombaires persistantes qui empêchent la manipulation et le port de charges lourdes.
Le 20 avril 2022, la Cour d’Appel de Bastia a rendu un arrêt aux termes duquel elle a condamné la GMF à indemniser Monsieur Y de ses préjudices à hauteur de 691.438,14 euros, dont 544.932,53 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs.
La cour d’Appel a indemnisé les PGPF en totalité (non à titre viager mais jusqu’à l’âge de la retraite), considérant qu’il est avéré que la victime a perdu son emploi en raison des séquelles de l’accident et qu’elle ne pourra plus exercer un emploi du même type.
La cour d’Appel ajoute que ce poste de préjudice doit être indemnisé même si, comme en l’espèce, la victime peut théoriquement exercer une autre activité professionnelle compatible avec son état de santé :
« En raison du principe de la réparation intégrale, il ne saurait être exigé de cette victime la preuve des diligences qu’elle aura pu effectuer en vue de son reclassement ».
La société GMF a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Bastia, estimant « qu’en condamnant la société GMF à réparer en totalité la perte des gains professionnels futurs jusqu’à l’âge de la retraite, sans tenir compte des possibilités de retour à l’emploi de Mr Y qui seulement âgé de 33 ans et atteint d’un déficit fonctionnel permanent limité à 12%, conservait une capacité résiduelle réelle à exercer une activité professionnelle, fut-ce sous certaines restrictions, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ».
La 2ᵉ Chambre Civile de la Cour de Cassation, au visa du principe de réparation intégrale, casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Bastia, estimant que la victime d’un dommage corporel ne peut être indemnisée de la perte totale de gains professionnels futurs que si, à la suite de sa survenue, elle se trouve privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle.
La Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel de Bastia n’a pas donné de base légale à sa décision dès lors qu’il n’est pas établi que la victime se trouve à l’avenir privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle.
© Aurore Roussel, Avocat accident de la route & accident médical
Indemnisation du dommage corporel